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Hendaye - Banyuls, la grande traversée, par Gérard Filoche.

3e partie : Les Granges d'Astau - Mérens
39 - Aulus, 750 m – Refuge de Bassiès, 1655 m
Extraits du livre.

Dénivelé + 1183 m. Dénivelé - 278 m. 14 km

La montagne de l'ours…

Saleix ...Si le réveil matinal est à 6 h 45, la raison ou plutôt les raisons sont que le repas de ce matin est à 7 h 30 et l'ouverture de notre boutique d'alimentation de pain vers 8 h, avec un départ dans la foulée. Donc, il faut calculer à l'envers. Malgré la fenêtre grande ouverte, cette nuit fut chaude, maintenant, le clocher de l'église égrène son carillon. Tout le monde est prêt pour entamer cette journée qui s'annonce encore une fois ensoleillée. L'orage a bien nettoyé le ciel, les petits cumulus qui s'accrochent encore aux montagnes n'ont qu'à bien compter leurs abatis. Ils vont se faire laminer d'ici peu par les hautes pressions atmosphériques venues de l'anticyclone basé sur les Açores...Dixit un extrait (arrangé) du bulletin de Météo France…

…Notre destination du jour, le refuge de Bassiès près des étangs éponymes. Nous allons rester en altitude pour cette nuit, pas de descente cauchemardesque, ni interminable, non juste un jour de sérénité ou presque…à 1650 m d'altitude. Avant bien entendu, il nous faudra passer le col du jour, celui de Saleix à 1794 m. Voilà, il fallait s'y attendre, le col, c'est une montée puis une descente. Nous sommes en plein dans la pente positive, juste pour une mise en train. Heureusement, la forêt de hêtres qui nous entoure est encore une fois magnifique. Ces arbres aux ports superbes forment un environnement d'une beauté et d'une douceur infinie.

Vers 1400 m, nous allons parvenir au plateau de Coumebière. C'est la fin brutale de la forêt et le début d'un large espace d'estives où les troupeaux de bovins font résonner leurs clarines. La forêt laisse place à une large vallée ouverte d'où nous apercevons le Port de Saleix altitude extrême de la journée. Un beau sentier en osmose avec la nature. Plus nous montons, plus le paysage se découvre, Aulus est au loin, très au loin derrière nous tandis que le col se dessine plus précisément. Le chemin tournicote régulièrement en se perdant dans la bruyère. Du côté de la vallée d'où nous venons, la masse nuageuse qui semblait inerte, se rapproche maintenant du col, avec rapidité. Elle semble aspirée par les courants ascendants. A mon avis, il est plus que probable que nous soyons dans la purée d'ici peu.

Bassiès Nous sommes au Port de Saleix à 1794 m, il est 13 h. C'est toujours un plaisir renouvelé que de découvrir l'autre versant de la montagne. Le col est très exposé et sauvage. Sa végétation de graminées ainsi que ses rochers couverts de lichen, donnent un charme envoûtant à cet endroit et résume parfaitement l'ambiance pyrénéenne de ces hauts plateaux. Même si la situation est toujours plus fraîche au niveau d'un col du fait des courants assez violents qui le traversent, nous décidons de déjeuner ici. Au dessus de nous, le chemin passe un ultime ressaut, comment dire, très pentu et impressionnant. Il faut vraiment lever la tête pour suivre son tracé. Peine perdue, car le brouillard bloque notre vision à environ 100 m au dessus. Il vaut donc mieux prendre des forces maintenant. Toujours est-t-il qu'il faut se couvrir chaudement. Michel a enfilé son chandail, Francine sa veste et les gants, Gérard sa chemise, oui, sa chemise, car le bonhomme n'est pas du genre frileux, quant à moi, la polaire et la veste plus les gants. L'atmosphère est trop fraîchement humide et mes doigts ne vont pas aimer…

…La température du corps baisse rapidement et au bout de 30 minutes, il est plus que temps de repartir si l'on ne veut pas avoir du mal à maintenir le capital énergie qui semble être emporté par les éléments déchaînés. Il n'y a pas à dire, ici nous sommes dans le vent mais au dessus le brouillard est toujours là. Nous allons donc le traverser dans cette pente assez impressionnante tout de même. Prudence, ce n'est pas trop le brouillard, mais les soudaines rafales de vent qui sont à prendre en compte. Dans le vent et ses bourrasques, le brouillard et la pente, le temps s'écoule lentement. La fin du ressaut n'est plus très loin, car dans un halo diffus, nous distinguons…le soleil. Un seul passage de cinq mètres suffit à nous écarter du brouillard et nous faire retrouver un calme impressionnant sous abri du vent. En y réfléchissant bien, il faut vraiment peu de choses pour passer de la tempête au calme. C'est un des principes de la randonnée en montagne. Plus loin, en nous retournant, nous pourrons nous rendre compte de cette frontière, l'arête d'où nous venons semble être un énorme paravent au brouillard. Il semble guidé avec détermination par la montagne, puis après avoir franchi le col, il est libéré dans la large vallée littéralement laminé sous les pressions exercées. Et de fait, sur le contrebas du col vers Vicdessos, le temps est calme.

Sous la douce chaleur du soleil revenu, un passage d'éboulis nous occupe un moment et nous parvenons maintenant sans difficultés au col de Bassiès à 1933 m. Au bord de ce col, face à ce nouveau paysage, c'est un enchantement, que dis-je un émerveillement. Même en ce moment, en écrivant ces lignes, je suis encore tourneboulé par ces instants de bonheur, tant leurs forces étaient présentes. Depuis le début de notre traversée, j'ai mémorisé chaque paysage rencontré, chaque col franchi, chaque heure écoulée, chaque pas effectué, afin de garder ce merveilleux projet gravé au fond de moi-même. Mon regard a visualisé beaucoup de vues et panoramas superbes ou insolites, il n'a rencontré que découvertes et beautés. Là, je suis bouleversé et reste sans voix devant tant de perfection. C'est un coup de cœur identique à l'arrivée au col d'Ayous et la somptueuse vue sur les lacs et la montagne.

Les Etangs de Bassiès sont orientés E.S.E. Ils forment un chapelet aquatique de toute beauté. Les petits ruisseaux qui les alimentent ressemblent à de curieux serpents liquides. Les rives sont d'un vert d'une pureté rare. Le bleu profond des eaux apportant un complément dans cet arc en ciel magique. Tout en bas, petit point féerique au beau milieu de cette avalanche de délicatesse, le refuge de Bassiès où nous allons passer la nuit…

…Je veux profiter pleinement de la situation privilégiée qui est la nôtre, alors, je mettrai deux heures pour rejoindre le refuge s'il le faut, mais je prends mon temps et goûte avec délice ces minutes inoubliables.




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